2021-05-18
Privilégiant ses métiers de base, une stratégie à cinq ans, sa clientèle diversifiée, BGFIBank semble garder la tête froide face à l’agitation autour des néo-banques. Son PDG Henri-Claude Oyima évoque les valeurs spécifiques d’inclusivité et d’autonomie de son groupe.
BGFIBank célèbre ses 50 ans. Quel sens donnez-vous à cet anniversaire ?
C’est d’abord une fierté de fêter le cinquantième anniversaire d’un individu et plus encore d’une entreprise. Fierté d’avoir œuvré à un projet et une ambition qui se réalisent aujourd’hui. Fierté pour l’ensemble du groupe, des collaborateurs, des dirigeants et de l’ensemble des partenaires qui nous ont accompagnés ces cinquante dernières années. Nous disons merci à tout ce beau monde qui continue à nous faire confiance.
Votre système de gouvernance a-t-il pallié les fragilités de la banque dans le passé ?
Les erreurs, les échecs et les dysfonctionnements font partie de notre apprentissage. Aujourd’hui, nous mettons ce dernier au service du renforcement des compétences, de la qualité de notre groupe. Depuis de nombreuses années, nous guidons notre groupe sur la base d’un projet d’entreprise à cinq ans. Désormais, la gouvernance fait partie du premier pilier du projet d’entreprise et notre objectif est de la renforcer. Que nos institutions et nos entreprises soient gouvernées selon les best practices et faire en sorte que toutes les erreurs du passé nous permettent de mieux apprendre et de mieux nous en tirer pour l’avenir.
Vous êtes présent dans onze pays et avez l’expérience de zones monétaires différentes, qu’est-ce qui fait votre singularité ?
La prise de décision est décentralisée. Chaque établissement a un conseil d’administration et un comité de crédit qui prend des décisions en la matière. Notre engagement était une décentralisation très forte et c’était la volonté du groupe. Nous suivons une procédure de contrôle qui nous permet de décider rapidement parce que nous sommes persuadés que mieux l’on connaît son environnement, mieux on peut prendre une décision. Nous fonctionnons aujourd’hui à partir de pôles d’entreprise sur une base de cinq ans. Ils sont conçus de la base à la tête du groupe et nous prenons la précaution d’intégrer l’environnement réglementaire, économique, juridique.
Comment menez-vous aujourd’hui votre stratégie de croissance et d’expansion ?
Nous avons commencé notre développement par cercles concentriques, en partant du Gabon, notre pays d’origine où nous réalisons 50% de parts de marché. Le deuxième cercle est l’Afrique centrale, le troisième est l’Afrique de l’Ouest, quant au quatrième, c’est le reste du monde ! La particularité de notre groupe est de ne jamais aller quelque part pour être une banque de plus. Notre plus est d’apporter des améliorations dans le fonctionnement du pays en matière de produits, de techniques, de méthodologies.
Le groupe compte quelque 3 000 collaborateurs. Vous formez des cadres. Comment avez-vous adapté cet outil de formation à vos besoins et à vos exigences ?
Avec 3 000 collaborateurs dans des endroits différents, il faut leur donner une méthodologie, une certaine organisation et une orientation pour que chacun fonctionne selon les mêmes principes. Pour ce faire, nous avons créé un centre de formation, une école de la banque que nous appelons BBS (BGFI Business School). C’est le laboratoire qui permet à l’ensemble des collaborateurs du groupe d’avoir la même méthodologie, les mêmes pratiques, les mêmes principes, les mêmes préceptes en termes de fonctionnement pour que nous ayons cette cohésion globale qui fait que BGFI est distincte des autres entités. Tous les collaborateurs du plus grand au plus petit passent obligatoirement deux fois par an par ce centre de formation pour permettre au groupe d’homogénéiser les méthodes de travail. C’est la particularité du groupe BGFI. Nous avons monté cette école pour nous-mêmes mais l’avons étendue. Les élèves formés sont destinés à toute la finance africaine dans sa globalité.
Parmi les effets de la pandémie, c’est qu’elle a accéléré la transformation, c’est-à-dire le transfert vers le numérique. Comment cela se traduit-il au niveau de votre groupe ?
Le groupe s’est lancé dans la digitalisation depuis plusieurs années. Contrairement à d’autres, nous ne souhaitons pas créer de banque digitale, mais nous digitalisons nos process, nos produits, nos méthodes de travail pour que le manuel intervienne moins et améliorer la rentabilité. Nous mettons en avant un produit, l’ouverture de compte à distance, de chez vous. Vous pouvez ouvrir votre compte directement et le reste se fera avec votre chargé de compte clientèle pour formaliser cette démarche. Nous sommes très fiers de ce produit, et nous permettons de dire à ceux qui nous font confiance que BGFI n’est pas une banque de plus mais une banque différente.
Vous ciblez les particuliers certes, mais quelle est votre implication dans la partie productive de l’activité économique ?
Notre groupe est un portail financier qui prend en compte l’ensemble des préoccupations de notre clientèle, du plus petit au plus grand. Qui dit portail financier dit spécialisation de nos commerciaux, des centres de décision au niveau et de la maîtrise des outils. Cela n’exclut personne et notre clientèle va de la microfinance à la plus grande entreprise. Notre intention est de renforcer notre pénétration au niveau des ensembles des marchés dans lesquels nous sommes présents.
Les PME ont fortement besoin d’un accompagnement et d’une plus grande implication. Avez-vous une attention particulière en direction de cette cible ?
Nous dotons chaque année une enveloppe pour le financement des PME. Nous avons monté l’opération pour 10 milliards de F.CFA pour accompagner cette clientèle de petites entreprises. Nous essayons autant que possible d’adapter les produits et les lignes de financement à la clientèle qui se présente à nous.
Votre appréciation sur ce qu’on appelle les AfroChampions ?
Cela fait partie des réflexions de notre maison. Nous avons dans notre groupe une banque d’investissement qui permet d’accompagner la clientèle en partant de l’idée d’un projet jusqu’à son financement. Nous avons une société d’intermédiation en Bourse qui accompagne les entreprises en quête de fonds propres. BGFI ce n’est pas seulement une banque commerciale mais l’ensemble formé par la finance, la structuration, l’ingénierie financière, et l’accompagnement pour réaliser la relation entre un client et l’institution financière que nous sommes.
Quelle est la place de la « classe moyenne » dans votre politique ?
Nous n’excluons personne ! Notre portail financier s’attache à accompagner l’ensemble de la clientèle qui exprime un besoin de financement ou d’accompagnement en ingénierie financière ou encore de simple réflexion financière. L’Afrique avec ses 1,3 milliard d’habitants est notre marché. Nous sommes implantés dans plusieurs pays et comptons continuer ce développement pour aller dans des pays qui correspondent à notre stratégie de développement.
Les bailleurs de fonds ont-ils une place dans votre schéma ?
Nous sollicitons des bailleurs de fonds qui sont nos partenaires, ce sont des institutions de développement qui peuvent venir en garantie de certaines facilités lorsque le risque est très important ou lorsque la durée est très longue. Ils sont avec nous en Europe ou sur le continent africain. Des correspondants dans toutes les devises nous font confiance et nous permettent de réaliser les opérations au niveau du commerce international.
Comment regardez-vous les groupes panafricains ? Ils sont de plus en plus nombreux à entrer en concurrence. Quelle est votre différence par rapport à eux ?
Nous nous réjouissons de voir que ce sont de véritables groupes africains au service de l’Afrique. Nous sommes complémentaires et avons besoin les uns des autres car un seul groupe ne peut pas satisfaire tous les besoins de l’Afrique aujourd’hui. On a besoin de l’ensemble de ces groupes dans leur pluralité pour accompagner et répondre positivement à l’ensemble de la clientèle. En ce qui concerne notre groupe, la concurrence ne nous fait pas peur, bien au contraire.
Dans votre stratégie d’expansion, comment faites-vous appel aux financements pour continuer les investissements et grandir ?
Nous grandissons par nos fonds propres qui sont suffisants pour financer nos activités. Nous avons une liquidité abondante qui nous permet bien sûr de financer nos projets. Nous ne faisons appel à des bailleurs de fonds internationaux que pour des problématiques de durée. De manière générale, les ressources sont à court terme. Pour financer les investissements de long terme, on a besoin de moyens adaptés. En termes de solvabilité, nous avons les moyens nécessaires, tous les ratios, et nous avons tous les fonds propres nécessaires à un seuil de solvabilité de 20%. Nous avons un coût de risque assez faible autour de 2% des engagements. C’est un bon ratio qui nous permet de garantir l’efficacité des opérations.
Même si le mot résilience est un peu galvaudé, comment ressentez-vous cette envie de sortir de la période de pandémie pour aller vers un dynamisme plus créateur ?
La pandémie n’a fait que renforcer la conviction qui est la nôtre. On ne peut se développer que par ses propres moyens. La pandémie a permis à chacun, avec la fermeture des frontières, avec le “quoi qu’il en coûte”, de défendre son pré carré sans attendre de l’extérieur pour se développer. L’Afrique ne peut pas se développer avec les moyens des autres et doit le faire avec ses propres moyens et avec ses enfants. La Covid est là mais ne change rien à notre stratégie de défense de nos intérêts et de financements de nos économies.
Avez-vous le sentiment qu’avec la ZLECAf et sans une véritable industrialisation, l’Afrique va pouvoir gagner en en productivité de qualité ?
L’Afrique est industrialisée ! Il faut qu’elle maintienne son industrialisation et qu’elle ne regarde pas seulement l’extérieur en pensant que le mieux vient d’ailleurs. Nous avons déjà nos industries mais le grand problème de l’Afrique n’est pas l’industrialisation en tant que telle. Il faut améliorer en plus de cela la gouvernance africaine, alors l’industrialisation viendra et le reste avec. Nous devons continuer à transformer l’Afrique, faire en sorte que nous ne soyons plus seulement des vendeurs de matières premières mais des transformateurs, par nous-mêmes et pour nous-mêmes.
Après 36 ans, vous avez la “mémoire de la maison”. Quel est votre grand chantier pour les prochains mois ?
Mon chantier après 36 ans, c’est celui de la gouvernance. Faire en sorte que nous puissions organiser que les générations futures qui prendront le relais soient bien formées, mieux organisées et préparées pour affronter les challenges futurs et garantir la pérennité de notre groupe. Mon chantier après 36 ans est de dire qu’il est normal qu’une nouvelle génération se prépare, se forme et soit prête pour relever de nouveaux défis. Le groupe BGFIBank reste disponible pour accompagner le développement de l’Afrique.